vendredi 31 juillet 2015

Non, le gouvernement ne doit pas aider les agriculteurs






Les agriculteurs demandent une fois de plus de l’aide de la part du gouvernement, dans la grande tradition du patronat français qui court pleurer dans les jupes de Maman État à chaque fois qu’il a un problème. Et passons sur le fait que les agriculteurs ont bien compris que c’est en étant les plus insupportables possible auprès du public qu’ils auront gain de cause (merci les taxis pour avoir montré l’exemple).
Autant je peux sympathiser avec la situation économique difficile de nombreux d’entre eux, autant il faut reconnaitre que leurs méthodes sont inacceptables et leurs demandes irrecevables, et ce pour trois raisons :

Premièrement, la classe politique ne cesse de nous rabâcher la nécessité de développer un sentiment européen et fédéraliste, mais dans le même temps cultive la nécessité de maintenir une « souveraineté nationale » en matière agricole. Que je sache, les États-Unis n’ont pas de quotas agricoles entre leurs états pour s’assurer de la souveraineté de chacun. Certains états produisent (beaucoup) plus que d’autres, et personne ne s’en plaint. De même au sein de nos départements. Il me semble que Paris est nette importatrice de produits alimentaires, mais pour autant ne cherche pas à se protéger de l’influence néfaste de la viande bretonne.
Pourtant il faudrait que la France se protège du mouton irlandais et des carottes espagnoles ? Pardonnez-moi, mais j’ai un peu de mal à suivre le raisonnement. On ne peut pas dans le même temps célébrer le maintient de la Grèce dans l’euro comme étant une victoire européenne, et par derrière entretenir le fantasme d’une guerre mondiale avec nos partenaires économiques pour justifier une agriculture indépendante.

Ensuite, aider les agriculteurs irait à l’encontre des règles économiques de base. Je sais qu’il est commun d’admettre dans les diners mondains que l’économie est une chose froide et insensible à la souffrance humaine, et que le politique est le Saint Juste sensé contrecarrer cette austérité néolibérale thatchérienne reptilienne.
Malheureusement, l’économie c’est aussi expliquer qu’un repas gratuit, ça n’existe pas, et qu’aider financièrement les agriculteurs coutera forcément à quelqu’un d’autre.
Si les agriculteurs sont moins compétitifs que leurs concurrents (encore une fois, nous ne sommes nullement en train de les comparer à des pays du type Bangladesh, mais de partenaires comme le Royaume Uni, l’Espagne ou les États-Unis), alors il est dans l’intérêt général des français et dans l’intérêt général des pays exportateurs que les agriculteurs français cèdent du terrain face à la concurrence étrangère.
C’est l’enseignement de Ricardo et des avantages comparatifs. Si l’Espagne est fondamentalement plus compétitive que nous sur l’agriculture, elle sera plus riche en s’y spécialisant et en augmentant sa production, et nous serons nous aussi plus riches en important, puisque les prix plus bas dont nous profitons représentent des ressources que nous pouvons utiliser à d’autres fins.
Aider les agriculteurs français (surtout au nom de l' »emploi ») est un non-sens complet, puisque toute aide financière proviendra forcément d’une taxe, donc l’impact sera de détruire ou d’empêcher la création d’emplois dans d’autres secteurs.
L’économie de la redistribution est un jeu à somme nulle, et l’accumulation des crédits d’impôts et aides d’état pour les entreprises, qu’il faut bien financer par des prélèvements, est un devenu un tel frein qu’elle explique en partie la faiblesse de l’économie actuelle. Taxer les secteurs sains pour financer les secteurs en difficulté n’est rien d’autre qu’une prime à la médiocrité, ce qui n’est pas réellement un modèle de croissance durable.
Par ailleurs, un pays riche n’est pas un pays qui produit tout sur son propre sol, c’est un pays capable de produire de la valeur ajoutée. Importer un objet pour 1 euro et le transformer en quelque chose vendu pour 5 euros contribuera bien plus à la richesse du pays que de tout produire localement, et donc se retrouver avec des prix plus élevés. L’iPhone en est un exemple parfait : les pièces sont assemblées dans divers pays asiatiques pour 200$, mais le produit final sera revendu 650$. Le « Made in China » n’a aucun sens ici, puisque plus des deux tiers de la valeur sont ajoutés aux États-Unis.

Et enfin, une nuance sur les deux points précédents est importante à apporter. Ils partent tout deux du principe que l’agriculture française est fondamentalement moins compétitive que ses concurrents, ce qui pourrait ne pas être le cas. Il est vrai que dans cette hypothèse il serait préférable de réduire notre voilure et de préférer importer nos produits agricoles, mais nous pourrions aussi nous interroger sur les raisons de ces écarts de compétitivité.
On retrouve ici une situation étrangement similaire au reste de l’économie française, dont il est difficile de ne pas ressentir un très fort déjà-vu. Les entrepreneurs français souffrent d’un mal bien singulier : Ils se plaignent d’être moins compétitifs que les voisins et demandent des aides pour y remédier.
La réalité est que l’appareil d’état et européen œuvrent massivement afin de tordre le marché agricole pour qu’il se conforme à leurs rêves humides dirigistes, et que l’accumulation de normes en tous genres peuvent potentiellement poser problème. Dans quelle mesure ? C’est une question à laquelle je ne saurais répondre, mais il est cependant nécessaire de se poser la question : Peut-on réellement se plaindre d’une agriculture sous-performante quand nos politiques ont créé un cadre législatif extrêmement contraignant autour ?
Et si le politique doit être mis en face de ses responsabilités, que dire des agriculteurs eux-mêmes ? Ne sont-ils pas ceux qui ont constamment pesté contre les évolutions du marché agricole et n’ont eu comme réflexe que d’aller pleurer dans les jupes de leur député local, qui aura promis monts et merveilles ?
Eux aussi doivent se remettre en question, et ne pourront pas échapper aux lois de l’offre et de la demande. Qui, rappelons-le, sont in fine dictées par les consommateurs eux-mêmes, et non pas les illuminatis monétaristes. Ceux qui acceptent de se conformer à ce que les clients demandent et se remettent proprement en question pourront prospérer, mais il faudra accepter que le visage de l’agriculture a changé depuis le 19ème siècle, et que le fantasme de l’agriculture paysanne est derrière nous.

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